Fragment de lettre: Xuân Lộc, le 9 avril 1975

.


….Une immense explosion, incolore, inodore, sans feu ni flamme, a brûlé l’air. Un grand nuage blanc sur la route n°20. Deux cents soldats sont passés de vie à trépas, en une fraction de seconde. Ils étaient à peine âgés de dix-sept ans, fraîchement débarqués du Nord, pour la prochaine offensive sur Saigon. La vie les a crachés comme un noyau de cerise

Une répugnante secousse, un spasme, et puis plus rien…voilà leur mort, une mort de rat, toutes tripes dehors. Les corps ne sont pas encore refroidis, je crains déjà leurs fantômes. Il n’y a pas pire que des fantômes d’enfants, des ombres d’anges qui froissent la nuit.

Je les entends, leurs âmes sont encore aveugles, ils appellent leur mère, ils cherchent le chemin de leur village. Un nuage de papillons blancs enveloppe la route n°20 ce matin.

Le vent chuchote un chant étrange, Le sol est vérolé de cratères à perte de vue. Où est donc passée la terre ? Elle s’est comme volatilisée. Je n’arrête pas d’interroger le ciel….

Article plus récent Article plus ancien Accueil