de Phong à Pierre-Jean : Mỹ Lai , le 22 mars 1968



Pierre-Jean,

L’information est censurée ici depuis une semaine. Je m’adresse à toi qui es en France. Tu es mon dernier recours.

Le monde entier doit savoir ce qui s’est passé, ce 16 mars, dans le village de Mỹ Lai, situé dans la province de Quang Ngai, tout proche de l’ancienne cité impériale. J’ai vomi plusieurs fois en faisant ces photos, j’en ai encore la nausée. Accroche-toi pour les regarder ! Le Vietnam vient de connaître son Oradour-sur-Glane et sa division SS Das Reich. A croire que l’histoire a le hoquet. Même horreur, même haine, même démence, même absurdité. Le massacre a duré quatre heures, cinq cents villageois ont été assassinés, hommes, femmes, enfants, bébés, vieillards. Tous y sont passés, même les buffles, les cochons, les chiens et les chats. Les enterrements n’en finissent pas.

120 G.I’s de la Charlie Company, 1er bataillon de la 11è brigade d’infanterie, des connards, des fils de pute acculturés du fin fond de l’Amérique miséreuse, la lie de l’humanité, embrigadés pour venir défendre la liberté dont ils ne comprennent même pas le sens du mot, se sont livrés collectivement à une orgie satanique, à une transe meurtrière, à un déchaînement hystérique d’une barbarie sans limite où rien ne peut justifier l’injustifiable. Les digues des rizières environnantes sont mouchetées de cadavres ensanglantés. Les venelles menant au village sont parsemées d’amas de corps entassés en vrac, pieds et bras tendus vers le ciel. Il y a des têtes scalpées ou décapitées, ils fracassaient les crânes des morts à coup de crosse juste pour entendre le broiement des os disloqués. Des femmes enceintes sont éventrées sur la place du village ou abattues après avoir été violées, sodomisées, et certaines ont eu le vagin défoncé par baïonnette. Des enfants, guère plus âgés de 6 ans, ont été exécutés d’une balle dans la nuque. On m’a rapporté que certains G.I’s auraient réglé leur fusil M16 sur la position de tir « coup par coup » pour économiser les balles.

Ces salauds ont regagné leur base sans avoir essuyé le moindre coup de feu et sans rien dire. Ils sont américains, l’affaire sera étouffée. L’horreur est telle que les assassins peuvent bien se soustraire à la justice des hommes en s’abritant derrière des ordres donnés, ils n’échapperont pas au cauchemar de leur démence qui hantera maintenant et à jamais leurs nuits. Ils ne pourront que sombrer dans la folie. Ca ne sera malheureusement qu’une sentence par défaut.

Le seul survivant du village est devenu communiste.
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