du Commandante Che Guevara au Général Nam : Bolivie, le 6 octobre 1966




Compañero,

José Marti a dit « c’est l’heure des brasiers, il ne faut regarder que la lumière. »
Le Vietnam est le phare lumineux qui montre la voie aux peuples opprimés. Les impérialistes américains sont des décervelés. Votre victoire est certaine, j’en ai la conviction, leur défaite aussi. C’est déjà écrit dans les livres. S’ils avaient étudié tant soit peu votre histoire, ce qui a bâti ses fondations, ils auraient passé leur chemin, mais leur cupidité est grande. Le Vietnam a été édifié non pas par une succession d’empereurs ou de héros légendaires, mais par ce paysan, ce va-nu-pieds, écrasé sous le soleil de midi, qui pique son riz, arme à l’épaule. Mille ans d’invasion chinoise lui ont déjà appris qu’il ne doit sa liberté qu’à lui-même. Son nom ne sera malheureusement jamais retenu.

Il est tombé dans la nuit devant le village. Dix autres sont sortis du bois, ils sont tombés. Mille autres sont descendus des collines, ils sont tombés. Cent mille autres sont venus de la vallée, ils sont tous tombés. Malheur aux Yankees ! Une clameur vient de retentir derrière la montagne, c’est le peuple qui se lève !

Et tout stratège doit savoir que l’on fait la guerre contre une armée, mais jamais contre un peuple. Plus encore qu’une victoire d’idéologie, de bloc contre bloc, votre lutte doit être celle du pauvre contre le riche, celle de l’hémisphère Sud contre l’hémisphère Nord, celle de l’homme contre la machine et celle du travail contre le grand capital.

Mon cœur est attristé de savoir que votre terre est déjà le laboratoire des guerres modernes : arme technologique, bactériologique, écologique, chimique, climatique, et j’ai même entendu parler de guerre digitale… Je sais que le combat sera inégal et terrifiant. Je suis dans la forêt vierge du Nancahuasu de Bolivie et j’imagine ce que peut être l’enfer dans un paradis.

Guettez au loin ! A l’autre bout de la terre, sur les sommets de la Cordillère des Andes, un immense feu s’allumera dans la nuit. Ce sera le feu de l’alliance des peuples qui répondront à votre appel, l’internationale révolutionnaire sera en marche.

Recevez ici quelques Cohiba de ma modeste réserve, je ne sais pas pourquoi Fidel ne m’approvisionne plus, Vous êtes asthmatique chronique comme moi et c’est un comble pour des adulateurs de cigares. J’en suis persuadé, vous mourrez non point d’une balle impérialiste, mais bel et bien à cause des cigares cubains.

Compañero, je vous confie ma fraternité ! Force et Honneur !
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